CE ass. 12 juillet 2013 Fédération nationale de la pêche en France n° 344522 (extrait)
ELEMENTS CLES:
Le Conseil d’Etat réuni en assemblée précise la répartition des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire pour édicter des mesures destinées à prévenir et limiter les atteintes à l’environnement par l’effet de l’article 3 de la Charte de l’environnement, ainsi que l’invocabilité du principe énoncé par cet article pour contester un règlement. Il se fonde à la fois sur l’article 34 de la Constitution prévoyant que la loi détermine les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement et sur l’article 3 de la Charte de l’environnement qui dispose que “toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences “. Il rappelle que ces dernières dispositions, comme l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement, ont valeur constitutionnelle et qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs. Il en déduit qu’il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, au pouvoir réglementaire et aux autres autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes énoncés à l’article 3 de la Charte de l’environnement, les modalités de la mise en oeuvre des dispositions de cet article. L’obligation incombant à toute personne de prévenir ou limiter les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ne s’impose que dans les conditions définies par les dispositions législatives ainsi que par les dispositions réglementaires et les autres actes adoptés pour les mettre en œuvre. Les autorités administratives doivent veiller au respect du principe énoncé par l’article 3 de la Charte de l’environnement lorsqu’elles sont appelées à préciser les modalités de mise en oeuvre de la loi définissant le cadre de la prévention ou de la limitation des conséquences d’une atteinte à l’environnement. Le Conseil d’Etat précise que la conformité au principe énoncé par l’article 3 de la Charte de l’environnement de dispositions législatives définissant le cadre de la prévention ou de la limitation des conséquences d’une atteinte à l’environnement, ou de l’absence de telles dispositions, ne peut être contestée devant le juge administratif en dehors de la procédure prévue à l’article 61-1 de la Constitution portant que les QPC. En revanche, le juge administratif doit, au vu de l’argumentation dont il est saisi, vérifier si les mesures prises pour l’application de la loi, dans la mesure où elles ne se bornent pas à en tirer les conséquences nécessaires, n’ont pas elles-mêmes méconnu ce principe.
En l’espèce, la fédération requérante demandait l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2010-1110 du 22 septembre 2010 relatif à la gestion et à la pêche de l’anguille en tant qu’il permet d’autoriser, en amont comme en aval des limites transversales de la mer, les pêcheurs professionnels à pêcher l’anguille de moins de douze centimètres et l’anguille argentée. Il prévoit l’application de régimes d’autorisations valables dans certaines zones, pendant certaines périodes ou certains quotas dont une partie serait affectée au repeuplement. Le Conseil d’Etat a estimé qu’en adoptant ces dispositions le pouvoir réglementaire s’est borné à mettre en oeuvre, d’une part, les dispositions de l’article L. 436-11 du code de l’environnement qui instaurent une police spéciale de la pêche et prévoient notamment que cette police spéciale comporte la fixation de périodes de pêche et l’adoption de mesures utiles à la reproduction, au développement et à la conservation des espèces. D’autre part, il met en œuvre les dispositions de l’article L. 921-1 du code rural et de la pêche maritime qui prévoient le principe de l’institution de régimes d’autorisation de la pêche, notamment professionnelle, de certaines espèces ou groupes d’espèces pendant certaines périodes et dans certaines zones, avec des engins et pour des volumes déterminés. Par suite, il juge que les dispositions contestées du décret, c’est-à-dire d’une part, son article 1er (pêche en amont) et, d’autre part, ses articles 7 et 9 (pêche en aval), ne méconnaissent ni les dispositions de l’article 34 de la Constitution et de l’article 3 de la Charte de l’environnement qui réservent respectivement à la loi la détermination des principes fondamentaux de la préservation de l’environnement et la définition du cadre de la prévention et de la limitation des conséquences des atteintes à l’environnement, ni, en tout état de cause, les dispositions de l’article 34 de la Constitution qui réservent au pouvoir législatif la soumission d’une activité professionnelle n’ayant fait l’objet d’aucune limitation légale à un régime d’autorisation préalable. Il admet ainsi la compétence du pouvoir réglementaire pour les édicter et écarte le vice d’incompétence. Puis contrôlant la légalité interne des dispositions attaquées, il a jugé qu’en adoptant les mesures contestées le pouvoir réglementaire n’a pas méconnu les exigences qui découlent de l’article 3 de la Charte de l’environnement. Il a rejeté le recours après avoir écarté les autres griefs, et notamment ceux tirés de la méconnaissance du règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d’anguilles européennes, de l’article L. 110-1 du code de l’environnement et du principe d’égalité.